Vilnus Atyx
Ce texte a été écrit dans le cadre du premier concours de nouvelles sur Scryf. Le temps était limité, le thème, tiré au sort, était : "Ouf!".
Voici le début :
Paris, août 1957
Alberto erre dans les rues du XIVe arrondissement, en quête d'absolu. Il ressent comme à son habitude le besoin de fouler les trottoirs de son quartier pour mieux s'abandonner à ses réflexions. Cela le conduit parfois à oublier les plus impérieux rendez-vous, mais peu lui importe : ses promenades le détendent. Pour ses amis, Alberto est l'homme qui marche. L'homme noctambule aussi. Car ses envies de piétonner le prennent à toute heure du jour et de la nuit.
Ce dimanche matin-là, l'aube a chassé Alberto de son lit. Le sommeil le fuyait depuis deux ou trois nuits déjà. Il ne cesse de songer à l'Internationale Situationniste qui a été fondée il y a quelques jours à peine. Dans ces conditions, il n'est pas concevable de rester sans marcher.
Il avait d'abord contourné le cimetière du Montparnasse par l'ouest, puis longé le Jardin du Luxembourg. Son intention première avait été de cheminer jusqu'à la rue de la Seine, où Guy Debord avait écrit à la craie sur un mur Ne travaillez jamais, cinq ans auparavant. En finir avec la société de classes? Certes...
Il avait finalement abandonné sa première idée, et était revenu par l'avenue de l'Observatoire. À présent, il remonte la rue Daguerre. Au coin de la rue Roger, Alberto hésite un instant mais finalement renonce à passer réveiller un ami qui y loge. Alberto a le sourcil soucieux. Les situationnistes peuvent être fort sympathiques, mais leur allergie à la société du spectacle ne va-t-elle pas se retourner contre les artistes?
Les oiseaux commencent à se réveiller. L'homme presse le pas. À cette heure, le marché couvert est encore désert. Né avec le siècle, ses bientôt cinquante-six ans ne l'empêchent pas d'avoir le pas alerte, malgré l'heure de marche rapide déjà parcourue.
Soudain, des cris retentissent sur sa droite. Une femme hurle à sa fenêtre. Alberto stoppe immédiatement puis s'approche. Elle crie au feu, en fait. Le voilà qui court, à présent. La femme est au troisième étage. Au pied de l'immeuble, il n'y a personne. Mais des voisins ouvrent volets et fenêtres pour s'enquérir de la raison des hurlements. Entre deux respirations, la dame, frêle, d'un certain âge, parvient à expliquer à Alberto que le feu a pris dans son séjour et l'empêche de sortir. Sans hésiter, il grimpe les marches quatre à quatre jusqu'au troisième où il identifie assez facilement l'appartement de la vieille femme grâce aux cris qu'elle pousse encore. Deux pas d'élan lui permettent de dégonder la porte. Dans la pièce où il surgit, un sofa brûle, un guéridon également, les flammes commencent à lécher la tapisserie. À grandes enjambées, il parvient jusqu'à la chambre. La vieille se pâme lorsqu'elle l'aperçoit. Il la rattrape de justesse, en jurant. Heureusement, le petit bout de femme n'est pas lourd. Il la charge aisément sur son épaule et prend le chemin de la sortie. Dans l'escalier, les voisins des autres étages se pressent de quitter leurs appartements, emportant dans leur fuite, qui une valise, qui un chandelier précieux ou un autre objet de valeur. La plupart sont en pyjama. Des enfants pleurent.
[...]
Voilà, ayez quelque indulgence pour ce texte écrit sous "contrainte", et qui aurait pu s"appeler "L'homme qui marche".
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